Publication dans Nature Immunology

Découverte d’une fonction inattendue de cellules immunitaires sanguines : leur capacité à proliférer !



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Illustration de cette nouvelle fonction des monocytes sanguins, à savoir leur capacité à proliférer dans les tissus avant de se différencier en macrophages, des cellules immunitaires jouant des rôles importants dans le maintien de l’homéostasie corporelle. © Adeline Deward - Illumine

La capacité d’une cellule à se diviser, à proliférer, est essentielle à la vie et donne lieu à la formation d’organismes complexes au départ d’une seule cellule. Elle permet aussi le remplacement de cellules usagées à partir d’un nombre restreint de cellules « souches » qui prolifèrent et se spécialisent ensuite. Dans le cancer, par contre, la prolifération cellulaire n’est plus contrôlée et devient chaotique. Des chercheurs du GIGA de l’Université de Liège ont découvert que, chez un individu en bonne santé, des cellules immunitaires sanguines, les monocytes, étaient également dotées de cette capacité à proliférer, et ce afin de remplacer les macrophages des tissus, des acteurs essentiels au bon fonctionnement de notre organisme. Cette étude est publiée dans Nature Immunology.

L

a formation d’organismes multicellulaires complexes, dont les êtres humains font partie, requiert la génération de milliards de cellules à partir d’un nombre limité de cellules progénitrices qui ont d’abord proliféré et qui acquièrent ensuite des morphologies et des fonctions particulières en s’assemblant en tissus et organes. Nos connaissances actuelles indiquent que la plupart des cellules constituant un organisme vivant proviennent de cellules dites « souches », qui se sont divisées par un processus appelé mitose, pour donner naissance à un plus grand nombre de cellules. Ces cellules arrêtent de proliférer ensuite pour se spécialiser, se différencier et constituer les muscles, le cerveau, les os, les cellules immunitaires, etc. Lorsque la prolifération n’est plus régulée correctement, cela peut mener au développement de différentes maladies, dont les cancers représentent l’exemple le plus frappant. Dans une étude publiée dans Nature Immunology, le professeur Thomas Marichal (Professeur à l’ULiège, investigateur Welbio au sein du WEL Research Institute) et son équipe de l’Institut GIGA de l’ULiège ont découvert que cette capacité à proliférer n’était pas uniquement restreinte aux cellules souches, mais était également une fonction jusque-là inconnue de cellules immunitaires sanguines, les monocytes. En effet, ces monocytes sanguins, considérés auparavant comme des cellules différenciées, sont capables de proliférer et de générer une réserve de monocytes dans les tissus afin de donner naissance aux macrophages, des cellules de notre système immunitaire capables de nous protéger à l’encontre de microbes et de veiller au bon fonctionnement de nos organes.

« C’est une découverte fondamentale majeure, qui change notre conception de l’implication de la prolifération cellulaire dans la constitution et le maintien de notre système immunitaire. » explique Thomas Marichal, directeur de l’étude. « Notre découverte suggère par ailleurs que l’information qu’on peut tirer d’une énumération des monocytes sanguins, classiquement effectuée lors d’une prise de sang, ne refléterait que peu ce qui se passe au niveau des tissus, lors d’infection ou d’inflammation par exemple, dans la mesure où les monocytes peuvent proliférer lorsqu’ils entrent dans les tissus.». Il ajoute enfin : « Heureusement, cette prolifération est extrêmement bien contrôlée et ne mène pas à un processus tumoral. Elle n’a qu’un seul but : permettre, le plus efficacement possible, le remplacement de cellules immunitaires qui peuplent nos tissus : les macrophages ».

Cette découverte, financée par le WEL Research Institute (WELRI – Welbio) et par le Conseil Européen de la Recherche (voir communiqué de presse) a été rendue possible grâce au développement de nouveaux outils et à l’utilisation de technologies innovantes. « Cette étude est un très bel exemple de la façon dont les progrès technologiques rendent possible des découvertes scientifiques importantes. Il aurait été extrêmement difficile, voire impossible, d’étudier avec une telle résolution cette population de monocytes en prolifération il y a seulement 10 ans d’ici. Cela a nécessité, notamment, l’utilisation d’équipements de pointe récemment acquis à l’Institut GIGA, la génération de données génomiques complexes et des analyses bio-informatiques très poussées» explique Domien Vanneste, financé par une bourse de doctorat du FNRS et premier auteur de l’étude. Cette étude ouvre la voie à d’autres investigations qui évalueront la possibilité de manipuler ou de contrôler la prolifération monocytaire à des fins thérapeutiques, et cela au bénéfice d’une santé renforcée.

Référence scientifique

‘MafB-restricted local monocyte proliferation precedes lung interstitial macrophage differentiation’, Nature Immunology (2023), DOI 10.1038/s41590-023-01468-3. https://www.nature.com/articles/s41590-023-01468-3.

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Thomas Marichal

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